Étape 13

La rencontre

L'étape

🚲 47.4 km ↗️ 1280 m

Aujourd’hui, je pars explorer la Vallée de Villé : pour moi, c’est une découverte. Je connais le massif Vosgien du côté du Haut-Rhin, mais pas côté Bas-Rhin. La véloroute emprunte l’ancienne Route du Sel, aussi appelée « chaussée des Sauniers », axe stratégique qui permettait d’acheminer cette denrée vitale pour les hommes et les animaux des Salines de Lorraine vers l’Allemagne. Déjà, les paysages sont grandioses, ouverts et doux : avec ses forêts aux mille et une nuances de verts, la Vallée de Villé est une plongée dans un océan végétal.  Après Thanvillé et son château, je grimpe sur les hauteurs de Neubois, adossé au massif de l’Altenberg. J’adore lire le relief et comprendre comment les hommes ont tiré parti des atouts des territoires : l’Altenberg était idéalement situé pour contrôler la Vallée. Déjà au 12^ème siècle, on y construisit le château de Frankenbourg pour contrôler les mouvements sur cette voie stratégique.

Je poursuis sur les routes de montagnes, je serpente entre les champs et les prés où s’épanouissent des vaches bien charpentées à la belle robe beige.

Je roule jusqu’à Lalaye : ici, tout est paisible et sent bon la montagne. J’y poserais bien mes sacoches de vélo pour quelques heures, mais 100 km autour de Strasbourg est un fil rouge et mon moteur est celui de rencontrer des artisans et des producteurs locaux. Je suis attendu, et je roule tambour battant jusqu’à Villé.

En descendant le long du Giessen, je découvre les vestiges de l’industrie textile. La vallée s’est développée autour de l’agriculture, mais aussi des tisserands. Plus tard, on installera des métiers à tisser animés par l’énergie du Giessen.
Dans les années 50, jusqu’à 500 personnes travaillaient dans les filatures industrielles. Villé est le chef-lieu de la Vallée, je file entre les petites ruelles pour rejoindre ma rencontre du jour.

La Rencontre

Je suis trempé jusqu’aux os lorsque je rejoins Isabelle Tallon. En pénétrant dans le rez-de-chaussée de sa maison jaune typique, j’entre dans son univers, « Un si petit monde ». Je plonge dans cet espace chaleureux, plein de couleurs, féérique. Isabelle se dit « faiseuse de lutins » ! Déjà avec ses enfants, elle imaginait des personnages qu’elle réalisait ensuite en tissu. C’est comme ça qu’elle s’est lancée dans la fabrication de petites fées qu’elle finira par commercialiser sur les marchés de Noël de la région. À partir de tissus qu’elle récupère, elle imagine de petits personnages qu’elle décline et réalise, tout à la main. C’est aussi un clin d’œil au passé textile de la Vallée.

Je ne connais aucune autre région avec une si forte tradition de Noël. En décembre en Alsace, les maisons sont décorées comme nulle part ailleurs. Les marchés de Noël sont installés jusque dans les petits villages, pour le mois ou pour un week-end. Isabelle fait partie des artisans qui entretiennent cette magie de Noël de leurs mains. Elle constate un vrai retour et une attente forte de produits fabriqués en Alsace. En récupérant de vieux tissus qu’on lui dépose souvent devant la porte, elle laisse son imagination et ses mains d’argent faire le reste, enchainant parfois plusieurs heures de couture dans son atelier, ou dans le pré derrière la maison.

Le résultat ? Des centaines de fées, joliment décorées, aux couleurs chaudes, bien accrochées à leurs présentoirs, prêtes à s’envoler dans de nouveaux foyers.

Plus hauts vignobles d’Alsace et ascension du champ du feu

Je reprends la route après cette rencontre chaleureuse : cette fois, je grimpe jusqu’à Albé. Ici, je peux constater les différences architecturales entre les maisons vosgiennes qui côtoient des maisons à pan-de-bois, uniques en Alsace. Au centre du bourg paisible, je découvre un tilleul majestueux, planté en 1795 après la révolution pour se souvenir la liberté acquise. On dit qu’il n’a pas été planté tout de suite le temps que l’information arrive dans la vallée.

Pour atteindre les vignobles, il me faut grimper dans un chemin schisteux : ces vignes qui font la réputation des vignobles d’Albé sont situées à 500 m d’altitude, les plus hautes d’Alsace.

A Breitenbach, les fruitiers sont en fleur. La Vallée de Villé est le berceau des eaux de vie : en 1837, on dénombre 400 alambics sur 15 communes. Aujourd’hui, ce savoir-faire reste fortement ancré : d’un côté les bouilleurs de cru, ces particuliers qui distillent leurs eaux de vie eux-mêmes, de l’autre, les distilleries professionnelles, qui exportent leurs eaux de vie dans le monde entier.

J’entame l’ascension vers le Champ du Feu : en 12km, je compte passer de 350 à 1099 mètres d’altitude. Malgré la pluie battante, mes vêtements trempés, je profite de cette montée. Personne n’a idée de faire du vélo sous une telle pluie : pourtant, j’apprécie ce moment, je me sens connecté à la nature qui m’entoure. Je me sens privilégié de vivre ce moment intense. Je dois pédaler fort. : la météo du jour ne m’aura apporté que peu d’énergie solaire et je dois économiser les batteries pour venir au bout des 1300 m de dénivelé positif de la journée.

Quand enfin, j’aperçois la tour du Champ du Feu, je profite d’un regain d’énergie ! On dit que la Vallée de Villé est la plus belle des vallées, pour moi en tous cas, elle restera gravé à jamais !

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